Une sauce au vin rouge et des
œufs frais
C’est quoi ce plat ?
Devenu une référence incontournable de la
cuisine bourguignonne (et morvandelle…), il était jadis destiné à utiliser les
restes de sauce d’un bœuf bourguignon consommé le midi.
Le soir, on pochait un œuf que l’on servait avec cette sauce et des
croûtons, le tour était joué !
Prise à part, la meurette est une sauce à base vin rouge (de bourgogne
bien sur…) accommodée de lardons, d’oignons, d’échalotes, de champignons et
d’épices.
Étymologie
Dans son glossaire du Morvan, étude sur le
langage de cette contré, Eugène de Chambure en propose la définition suivante :
« Le nom de « meurette » vient de l'eau salée dans laquelle on met
cuire le poisson. Meurette est le diminutif de meure = mure, suffixe de saumure.
Suisse romande « mouairetta », tamis pour passer le sel ; Franche-Comté : « mûre
», saumure. En français le muriate de soude (Ancien nom des chlorhydrates) est
le sel commun (on sépare le muriate de soude du sel commun) , Valaque :
muratura saumure ».
Rien à voir toutefois avec l’expression « Flairer la meurette » qui
localement et toujours selon Eugène de Chambure, signifierait « Tâter le
terrain, sonder une personne ou une situation »
L’origine du plat
Toutes les petites histoires nous ramènent à
une même origine : « C’est pour pas gâcher ! » (Expression prêtée et empruntée à
un célèbre sportif bourguignon).
En effet, le midi (mais pas tous les midi loin s’en faut), on préparait
le bœuf bourguignon et, naturellement, il restait une bonne quantité de sauce
dont on peinait à se séparer.
Il y avait toujours des œufs à la maison (à la mayon), on consommait
beaucoup de pain et il y avait cette sauce.
L’idée fût donc de
l’utiliser pour le soir en la servant sur des œufs pochés que l’on servait avec
des croûtons.
Dans certaines régions on les appelle même « œufs
bourguignons »
Marquage des oeufs et étiquetage
Certes, rien ne ressemble plus à un œuf
qu'un autre œuf, MAIS :
Indépendamment du fait de savoir qui de l’œuf ou de la poule était là le
premier (ou qui de l’œuf ou de la meurette…), le rappel de ces quelques notions
n’est pas forcément inutile.
Les poules ne sont pas toutes élevées dans d’honorables conditions.
Bien au contraire !
Cette différence mérite d’être prise en compte au moment de l’achat si
vous n’avez pas la chance d’avoir un poulailler… Vos œufs en meurettes n’en
seront que meilleurs !
Sur chaque œuf, un code placé devant les lettres du pays d'origine (FR
pour la France), informe sur les conditions d’élevage de la poule.
Ce code, un chiffre de 0 à 3, correspondant aux conditions suivantes :
Code 3, élevées en cage, (80% de la population
avicole)
Mention sur la boîte : « œufs de poules élevées en cages »
16 poules/m², pas de sortie à l'extérieur, pas de lumière du jour, poussins
mâles supprimés, becs coupés, abattage après un an de ponte…
Code 2, élevées au sol ou en volière, (3% de la
population avicole)
Mention obligatoire sur la boîte : « œufs de poules élevées au sol »
9 poules/m², pas de sortie à l'extérieur, pas de lumière du jour, poussins
mâles supprimés, becs coupés, abattage après un an de ponte…
Code 0 ou 1, élevées en plain air ou élevage
Bio, (17% de la population avicole)
Mention obligatoire sur la boîte : « œufs de poules élevées en plein air ».
6 à 9 poules/m² en intérieur, accès à l'extérieur avec 4-5m²/poule, lumière
du jour, poussins mâles non supprimés, becs éventuellement coupés peu après la
naissance, abattage après un an de ponte…
Recette
Ingrédients pour des œufs en
meurette pour 4 personnes
- 8 oeufs extra frais
- 120 g poitrine fumée
- 8 tranches de lard (pas trop épaisses) – ou des lardons
- 25 gr de beurre
- 1 bouteille de vin rouge (du Bourgogne bien sur, il en restera sûrement)
- 20 cl de vinaigre d'alcool (ou de vin, blanc ou rouge mais pas de cidre
etc…)
- 2 échalotes
- 2 oignons
- 1 cuillère à soupe de farine
- 1 gousse d'ail
- 500 gr champignons de Paris
- Sel
- Poivre
- Bouquet garni
- 1 bouquet de ciboulette
- 8 tranches de pain de mie (ou de bon pain de campagne comme à l’origine…)
Recette :
Pour ne pas les rater, décomposons le mouvement…
La sauce :
- Découpez les tranches de lard en lardons
- Epuchez et émincez les échalotes et les oignons
- Mettez un peu de beurre dans une sauteuse (gardez-en un peu,
éventuellement, pour les tartines à griller)
- Faites revenir les lardons avec les échalotes et les oignons
- Laissez blondir
- Saupoudrez d’un peu de farine pour épaissir
- Bien mélanger
- Ajoutez les champignons de Paris
- Salez et poivrez
- Versez le vin rouge (recouvrir) et ajoutez le bouquet garni (vous pouvez
éventuellement faire flamber)
- Couvrez et laissez mitonner doucement pendant une vingtaine de minutes
- Retirez le bouquet garni et rectifiez si nécessaire (vin, sel, poivre)
Les pains grillés :
- Epluchez l’ail
- Faite griller les tranches de pain de mie – ou de campagne - (encore une
fois le grille- pain du XXIème siècle sera parfait, sinon poêlez-les avec un peu
de beurre que vous aurez gardé, ou simplement posés sur le poêle à bois)
- Frottez les pains encore chauds avec l'ail.
- Faite revenir les tranches de lard dans une poêle (sans ajouter de gras)
- Mettez une tranche de lard sur chaque tranche de pain et maintenez au
chaud dans le four à 50-60°
Le pochage :
- Dans une grande casserole faire mettez environ 2 litres d’eau (non salée)
- Ajoutez 20 cl de vinaigre
- Faites bouillir (L'acidité du vinaigre permet la coagulation rapide du
blanc d’œuf)
- Cassez vos œufs (un par un) et mettez les (également un par un) dans
l’eau bouillante
- Réduisez le feu pour obtenir une eau frémissante
- Retournez délicatement le blanc d’œuf sur le jaune à l’aide d’une
écumoire
- Laissez cuire 3mn ou 4mn (pas plus) puis sortir les œufs sur un plat (ou
une assiette) recouvert de papier absorbant
Dressage :
- Placez un pain grillé monté et sa tranche de lard dans chaque assiette
- Posez 2 oeufs pochés sur chaque tartine (ou à côté suivant votre envie)
- Verser la sauce meurette sur votre montage
- Saupoudrez de ciboulette ciselée
- Servez rapidement
Attention :
Ce plat ne peut pas se préparer à l'avance.
Ne pochez que le nombre d’œufs utiles à votre tablée.
Si vous avez du succès et que les convives en redemande, recommencez
(le pochage, la sauce il peut vous en rester…).
Variantes :
Pour le pochage des œufs (le reste inchangé)
- Faites chauffer le vin rouge (environ 0,5 litre) à feu moyen
- Lorsque le vin frémit, casser les œufs dedans et laissez pocher 3 ou 4mn
Vous pouvez aussi rincer les œufs à l’eau chaude à la sortie du pochage
à l’eau si vous avez peur qu’ils sentent trop le vinaigre (enfin… si vous
voulez…)
Ceux qui souhaitent préparer la meurette pour accompagner du poisson
remplacent le lard par des anchois.
Pour les recettes, « light » ou de « cuisine moderne » où l’on voit
apparaître des purées de carottes ou autres dans la sauce, c’est sans doute très
bien mais là : No comment !
Un véritable record mondial
A priori, de nos jours, le Château de « Clos
de Vougeot », haut lieu d’accueil des « Chevaliers du Tastevin », ne produit
plus de vin. Toutefois, il sait demeurer dans ce qui se fait de mieux
dans la gastronomie française.
Le « repas gastronomique des français » est classé au patrimoine
immatériel de l’Unesco et les œufs en meurette y ont visiblement toute leur
place.
Pour rapprocher ces 2 petites merveilles, le magasine « Des racines et
des ailes » (France3) a réalisé reportage dans lequel les œufs en meurette sont
au menu d’un dîner de gala de… 600 couverts…
600 œufs en meurette, des vrais, des beaux, bien réussis, servis en
moins de 10mn…
Lorsque l’on vous propose de ne préparer ce plat que pour chaque
convive et de le recommencer pour un éventuel deuxième service, vous pouvez
imaginer la prouesse « technico-culinaire » de cette brigade. 600 œufs meurette
d’un coup…
Décoiffant !
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