Le Débeurdinoir

Pour avoir un débeurdinoir (ou une débeurdinoire), il nous faut :
Un Saint, un (des) beurdin(s), une église et un sarcophage.
Nous avons l’un des 4 en abondance.
L’idée que ce sujet rappellerait une quelconque situation
n’est que le fruit du hasard (quoi que…).

Il était une fois, Saint Menulphe

Selon la légende, au 6ème siècle, sous le règne de Childebert (511-558), un religieux dénommé Ménulphe, épuisé par les fatigues de son pèlerinage à Rome, aurait fait halte à Mailly-sur Rose dans le Bourbonnais.

L’homme, qui aurait été évêque de Quimper et supposé Irlandais, était malade et décida de s’installer et de vivre simplement en ces lieux.

Le saint homme, prétendument faiseur de miracles, se prit d’amitié pour un pauvre diable dénommé Blaise, simple d’esprit et souffre-douleur des villageois. Blaise, devint rapidement et tout naturellement le serviteur de Menulphe, son protecteur.

Les capacités limitées de Blaise et sa difficulté à parler l’empêchait de prononcer correctement « Melnulphe » qu’il transformait régulièrement en « Menou ».

C’est dans ce village que Ménulphe mourut sans jamais regagner Quimper ou l’Irlande.
Fait étrange, personne ne connait l’année de la mort de Saint Ménulphe qui semble pourtant être survenue un 12 juillet.

Saint Menulphe (ou encore Menoux, Menou, ou Menulphus) est l’un des saints (bretons) plus ou moins légendaires mais non reconnus par l’Église.


Saint Menulphe
(Wikipédia)

Le Bredin (ou beurdin)

Le mot Beurdin est une déformation locale du Bredin bourbonnais.
C'est un simplet, un idiot (l'idiot du village), tout le monde le connaît et le couvre de quolibets.

Dans son glossaire, Eugène de Chambure en donne la définition suivante : « Brouillon , étourdi et même quelquefois imbécile… »


Le beurdin de Bourbon-Lancy
(Wikipédia)

Le Beffroi de Bourbon-Lancy est aujourd'hui classé monument historique et sert de gîte au « Beurdin », œuvre du sculpteur Georges Kirsch, un automate haut en couleurs, qui sonne la cloche toutes les heures en tirant la langue aux passants.

L’église de Saint Menoux

Cette église construite dans le style roman bourguignon, daterait du 12ème siècle.

Le chœur possède deux travées suivi d’une profonde abside entourée d'un déambulatoire.

C'est à cet endroit, derrière l'autel, que se trouve le sarcophage de Saint Menulphe qui contiendrait encore quelques reliques que quatre petites rosettes ajourées permettent d'entrevoir.

Le sarcophage est également percé d'un trou en demi-cercle sur le flanc… Et ?...

    
Photos église de Saint-Menoux
(Wikipédia et Patrick K.)

Le débeurdinoir

Et ?...
Après la mort de Menulphe, Blaise, le beurdin, ne comprit pas que son protecteur n’était plus.

Il passa de longs jours et de longues nuits sur la tombe de son ami située initialement dans le cimetière Saint-Germain de Mailly-sur Rose.

Il avait même creusé la tombe et pratiqué un trou dans le cercueil, probablement avec l’aide du curé, pour pouvoir mieux « parler » avec « Menou ».

Devant tant d’attachement, le curé du village finit par accepter de construire un sarcophage spécial pour respecter la dévotion de Blaise.
La légende dit que lorsque le bon Blaise, notre « beurdin », entra sa tête dans le trou aménagé dans le sarcophage, il se mit à prier avec ferveur. Et, quand il se dégagea du sarcophage, il en apparu visiblement « débeurdiné » devant les villageois stupéfiés qui se rendirent compte que Blaise avait changé, ce n’était plus un beurdin !

Le sarcophage est donc également percé d'un trou en demi-cercle sur le flanc.
Selon la légende, les « simples d'esprit » (les beurdins) mais aussi les esprits « tourmentés ou en souffrance » venaient (et viennent toujours) passer la tête pour y laisser leur « folie » ou leurs maux de tête.
Quelques ex-voto témoigneraient des effets (supposés) qu'aurait cet orifice.

En réalité, si ce sarcophage a pu avoir un quelconque effet et provoquer quelques miracles, c’est (presque) devenu une simple attraction pour touristes venus satisfaire leur curiosité !

Mais, attention toutefois à ne pas toucher les bords du trou en passant la tête, car la légende veut aussi que celui qui mettrait sa tête en contact avec le sarcophage récupèrerait toute la folie accumulée dans la pierre par ceux qui sont passés avant.

    
Debeurdinoir Saint-Menoux
(Photos Wikipédia et Carte postale E-Bay)


Mon ami Patrick a testé le débeurdinoir,
il n'en avait pas besoin et heureusement, il n'a pas touché les bords...

Mailly-sur Rose devient Saint-Menoux

D’autres miracles se seraient opérés sur le tombeau qui décidèrent, vers l’an 1000, l’évêque de Bourges à transférer les ossements de Menulphe « en un autre endroit et à élever au-dessus une église ».

C’est en 1834 que le Congrès archéologique de France a avancé l’hypothèse selon laquelle la localité aurait changé de nom à ce moment pour prendre celui de Saint-Menoux, les habitant portant depuis ce temps le nom (gentilé) de « Ménulphiens ».


Schéma débeurdinoir

Un ou une débeurdinoir (ou débeurdinoire) ?

Le mot se rencontre aussi bien au masculin qu’au féminin

La prise en compte des suffixes généralement masculins en « oir » et féminins en « oire » semblent s’appliquer dans les deux cas, c’est une question de goût.

Vous pouvez donc dire un débeurdinoir ou une débeurdinoire.

Combien existe-t-il de débeurdinoirs et où sont-ils ?

L’intérêt d’un tel « outil » est inestimable.
On se dit que s’ils pouvaient être suffisamment nombreux…

Hélas ! Il semble bien qu’ils soient rares, même très rares.
En réalité il n’en existe en tout et pour tout que 2 dans le monde.

Le premier, le « vrai », celui de Saint-Menoux se trouve dans l’Allier, le second est à Saint-Germain-en-Brionnais, un petit village de Saône-et-Loire.

Contrairement à celui de Saint-Menoux, le débeurdinoir de Saint-Germain n’a pas d’histoire, pas de légende.
C’est un simple autel de pierre percé d'un trou qui aurait pu être destiné à recevoir de saintes reliques mais qui en réalité n’en a jamais reçu.
Ce débeurdinoir a été créé dans l’unique but « de faire peur aux enfants », de les rendre obéissants.

C’est un paradoxe, un pur objet « marketing » destiné à « soigner la bêtise humaine ».

Toutefois, à y regarder de plus près, le Morvan est remarquablement placé.
Voyez plutôt cette carte.


Carte de localisation des débeurdinoirs
(Extrait de Google Earth)

En prenant Château-Chinon comme lieu de référence (pourquoi pas ?), les deux villages, et donc les deux débeurdinoirs sont à 80km à vol d’oiseau.
Le premier à 95km par la route, le second à 112 km.
Le Morvan ne serait-il pas en situation idéale pour organiser des pèlerinages ?

L’église Saint-Germain-et-Saint-Benoît de Saint-Germain-en-Brionnais

L’église de Saint-Germain-en-Brionnais (autrefois Saint-Germain des bois) faisait partie d’un prieuré fondé en 1080 par Aganon, évêque d’Autun (Claude Courtépée en attribut lui la fondation aux Seigneurs de Dyo et le situe en 1095).

Elle est constituée d’une façade occidentale tripartite, la partie centrale étant percée d'un portail en arc brisé et surmonté d'un oculus.

Un clocher massif sur trois niveaux et terminé par une flèche masque la partie droite de la façade.

Le chœur comporte une nef centrale qui débouche directement sur une abside majeure et deux plus petites et abrite le fameux second débeurdinoir.

Ce second débeurdinoir est de facture récente mais sa date de mise en place est inconnue.

     
Photo église Saint Germain et débeurdinoir
(Photos Wikipédia) 

Une bonne (une excellente) idée… ?

Des délocalisations de Conseils de Ministres ont déjà eu lieu.
En septembre 2017, le gouvernement s'était délocalisé trois jours dans le Lot.
En mai 2018, trois jours dans le Cher.
En novembre 2018, ce fut à Charleville-Mézières dans les Ardennes, département symbole de la Grande Guerre.

Inutile d’aller plus loin, vous avez déjà devancé ma pensée…
Alors bonne idée ?

… Non ! Une mauvaise, une très mauvaise idée !

Très, mais alors très mauvaise idée.

Petit rappel :
Attention à ne pas toucher les bords du trou en passant la tête.
La légende précise que celui qui toucherait le sarcophage avec la tête récupèrerait toute la folie accumulée dans la pierre par ceux qui l’ont précédés.
D’autant que la légende ne précise pas si les cheveux sont « inclus » dans la tête, ce qui pour certains-certaines, deviendrait une épreuve insurmontable.

Avons-nous besoin de ça ?

Franchement, le risque est trop grand.

Et puis, pour être honnête, comme nous n’avons que notre propre intelligence pour juger, les autres sont forcément des « beurdins », cela signifie aussi que nous sommes tous les « beurdins » de quelqu’un.
Méfiance !

N’empêche que l’idée est séduisante !

Quelques dérivés

Une « bourde » est une erreur, une bêtise.

La « débeurdinothérapie » serait vivement conseillée à tous ceux qui mangent n’importe quoi et avalent gloutonnement. Toutefois, si le remède est proposé, la méthode n’est pas précisée.

Le Beurdin de Bourbon-Lancy est une pâtisserie réputée, mais mon côté Beurdin fait que je n’en connais pas la recette.

Sources documentaires