Ménessaire

(en patois : Meunsiâre)

 

Pour entrer dans ce village, vous veniez directement

de la Nièvre ou de la Saône-et-Loire…

Ce village est une exclave (couramment appelée "enclave").

Situation



Ce petit village typique du cœur du Morvan est situé à environ 30 km de Chateau-Chinon (58) et de Autun (71)
et à environ 25 km de Saulieu (21).

Le village


Vue de la route Ménessaire à Cussy


... La même... un peu plus loin, au printemps.


Il s’étend sur 1 491 hectares (14,91 km²) dont près de 75% sont boisés (cette proportion était de 50% dans les années 1850) et comprend quelques petits hameaux dont « Les Valaisons », « La Roche du Reuil », « Ventre-rouge » et « La Croix de Chèvre ».

La population, Ménessarais et Ménessaraises, est de 69 d’habitants, y compris résidence(s) secondaire(s) (1 ?) soit une densité de 4,63 habitants au km² (Statistiques 2009 publiées en 2012). En 1999, la population était de 88 habitants, ce qui représente une baisse de 25% de la population en 20 ans,

Au siècle dernier, la population vivait essentiellement de l’agriculture et des activités annexes.

Il y a 50 ans, Ménessaire comptait des cafés, des forgerons, des maréchaux-ferrants, des épiciers, des couvreurs (de chaume), un boulanger, des maçons, une école et... des agriculteurs (il n’en reste que 3). La dernière classe de l'école primaire a fermé en 1985, laissant place à l'actuel musée du seigle.

Aujourd’hui, les agriculteurs restant pratiquent surtout l’élevage bovin ou la sylviculture, une exploitation (ferme de Patuet) s’est spécialisée dans la culture des plantes médicinales

Le centre du village, à 550-570 m d’altitude, intègre Ménessaire à la montagne morvandelle et plus précisément, selon le découpage des « entités paysagères » (le Parc naturel régional du Morvan, révision de la charte en 2007) à la « dorsale boisée » (Haut Morvan des étangs). Cette zone représente « un labyrinthe de prairies plates et d’étangs ponctué de vues lointaines et de petits villages ».


Vue depuis le sommet de la
Croix de Chevre


Le chemin Bibracte-Alésia prés de la
Croix de Chevre


La commune comporte les deux points culminants de la Côte d’Or : le Gros Moux à 718 m et le Tronçois à 720 m (pourtant, d’après la carte IGN, la « Croix de Chèvre, en limite Côte d'Or – Saône et Loire serait elle à 721 m...), séparés par un petit col (640 m à la source des « Fontagnottes »), sur lequel on retrouve la voie antique venant d’Autun mais aussi le grand axe Bibracte-Alésia, appelé localement « La voie haute », qui traverse la commune sur quelques 3 km, ou encore le GR de Pays Tour du Morvan.

Une enclave ou une exclave ?

- Une enclave est un territoire, ou morceau de territoire, complètement entouré par une seule autre entité territoriale.
- Une exclave est un un morceau de terre sous souveraineté d'un pays ou d'un territoire principal duquel il est séparé par un ou plusieurs pays ou mers.

La particularité de ce village résiderait donc dans le fait qu'il est une exclave de la Côte d’Or, entre Nièvre et Saône et Loire.

L’exclave de Ménessaire (couramment appelée "enclave") dépend du canton de Liernais et de l’arrondissement de Beaune (21). Cette originalité administrative est liée à la constituante (voir rappel en fin de texte) et à la division des provinces en départements en 1789-1791. Pour des raisons qui aujourd'hui nous ont échappé, les habitant de Ménessaire (et plus probablement la noblesse et la bourgeoisie) exigèrent leur rattachement au département de Côte d'Or. Les habitants de Moux et d'Alligny firent de même mais souhaitèrent par la suite rejoindre le giron de la Nièvre (le hameau de Buis quant-à lui est passé à la Saône-et-Loire, rattaché à la commune de Chissey-en-Morvan).

Le Conseil Général de la Cote d’Or, interrogé sur ces faits, précise que les recherches menées depuis longtemps dans les divers documents conservés aux Archives départementales n’ont pas permis de comprendre pour quelles raisons Ménessaire avait été rattachée à ce département plutôt qu’à celui de Saône-et-Loire.

« Sous l’Ancien Régime en effet, Ménessaire relevait du diocèse d’Autun (71), originellement du bailliage d’Autun et, au XVe siècle, était un fief de la châtellenie de Roussillon (71). En outre, durant les premières années de l’époque révolutionnaire, les habitants de Ménessaire se sont plaints de ne pas relever du district d’Autun, plus proche que le district d’Arnay-le-Duc (21) dont ils relevaient alors. De même, en l’an VI, ils ont sollicité en vain la possibilité de dépendre du notaire de Cussy (71), toujours pour des raisons de proximité .

Un indice toutefois, après avoir relevé du bailliage d’Autun, Ménessaire, à la veille de la Révolution française, dépendait du bailliage de Saulieu, ce qui créa peut-être une prédisposition à son affectation côte-d’orienne ».

Petit rappel sur la l’assemblée constituante de 1789

La constituante, qui, réunissant près de 1 200 députés siégea du 9 juillet 1789 au 30 septembre 1791, conduisit, outre la création des départements, à l’abolition de la féodalité (4 août 1789), à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen (26 août 1789), et aux grands principes de la Constitution (fin 1791)

Dès le 11 novembre 1789, l’Assemblée nationale constituante adopte le découpage en départements dont les noms sont choisis en fonction de la géographie et de l’hydrographie. La France fut découpée en départements à la suite du décret du 22 décembre 1789. Leur nombre exact (83) et leurs limites furent publiés le 26 février 1790, et leur existence prit effet le 4 mars 1790.

Conséquences d’un enclavement

Quelques conséquences (entre autres) de cette particularité, les problèmes divers liés à la mise en place des services publics :

- Au hameau de la Croix de Chèvre par exemple, si d’un côté de la route on est bien à Ménessaire, en Côte-d'Or, de l'autre côté c'est Cussy et la Saône- et-Loire. Les adresses postales impliquent donc tout naturellement qu’il y ait… 2 facteurs…

- En cas d’incendie, la commune (équipée) de Côte d’Or la plus proche est Saulieu, à 25 km. Depuis peu, la commune de Moux-en-Morvan (58) située à 7 km et apte à intervenir est désormais sollicitée. Ce qui implique tout aussi naturellement des remboursements de frais engagés entre les différents SDIS (Services Départementaux d’Incendie et de Secours).

- Très récemment encore, la loi de reforme des collectivités du 16 Décembre 2010 posait à Ménessaire le problème de l'entrée dans une intercommunalité « Côte d’Ordienne ». En effet, cette loi ne permettait aucune enclave dans les dites intercommunalités. La commune aurait donc dû choisir d’être rattaché à la communauté de communes d’Autun en Saône-et-Loire ou à celle des Grands Lacs du Morvan dans la Nièvre.
Heureusement, la parution de la loi n° 2012-281 du 29 février 2012, visant à assouplir les règles relatives à la refonte des cartes intercommunales précise en substance que (article 6) :
Par dérogation au principe de continuité du territoire et à la condition de respecter le 2° du III, une commune enclavée dans un département différent de celui auquel elle est  administrativement rattachée peut appartenir à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont le siège est fixé dans son département de rattachement"
Mennessaire peut donc légalement rester dans la communauté de communes de Liernais (21).
(Pour plus d'informations, voir Légifrance : http://legifrance.gouv.fr)

Histoire

Si le bourg se trouve sur une voie antique, son origine ne semble pas remonter pas au-delà du Moyen-Age. On lui trouve pourtant un passé plus ancien de par le nom romain de « Menessalum », notamment dans un ouvrage de 1867, « Le Morvan, essai géographique, topographique et historique sur cette contrée, par Jacques Félix Baudiau, Curé de Dun-les-Places et membre de la Société Nivernaise des lettres, sciences et arts et de plusieurs autres Sociétés savantes ».

Les premiers seigneurs moyenâgeux possédaient sans doute « une motte », un système de fortification qui consistait en un large et profond fossé circulaire dont la terre était rejetée au centre, et sur laquelle on édifiait, au fil du temps, tour en bois, donjon de pierres, puis château, le tout entouré de haies, puis de murailles et de douves.
La « motte » était généralement installée près d'un ruisseau ou d'un bief afin d'inonder facilement les fossés.

Il est fort possible (mais pas certain du tout) que le château ait été « déplacé », le château actuel étant daté seulement du XIIème siècle. C’est aux XIVème et XVème siècle qu’il a probablement le plus souffert (hormis sa récente période d’abandon).

Ces seigneurs jugèrent sans doute le site bien exposé.
Ils décidèrent donc d’amener sur place des paysans-serfs (les paysans-serfs sont attachés à la terre qu'ils cultivent et vendus avec elle) afin qu’ils ouvrent une clairière agricole dans la forêt. Une clairière qui précisément était entourée de plusieurs sources.

Ils ne firent pas (re ?) construire le château sur une hauteur (il se situe à 10-15 mètres en contrebas du village) mais « en tête de prairie », abrité à l’ouest par la hauteur et les bois du « Gros Moux », au Nord par « Le Haut du Nu », au Sud par les « Bois de Patuet » et se trouvait donc à l’entrée d’une vallée s’étirant en direction de « La Roche du Reuil ». Ainsi il était notamment à l’abri :

- des vents d’Ouest (sous nos latitudes, 40 à 60 degrés Nord, les vents soufflent généralement d’Ouest en Est. Ils portent le nom de «vents dominants d'Ouest ». Malgré les perturbations locales et occasionnelles, ce sont les plus fréquents. C’est le cas à Ménessaire qui se trouve à 47 degrés),

- des gelées tardives moins courantes sur Ménessaire que sur les territoires voisins (les gelées de printemps ou gelées tardives, tout comme les gelées d'automne ou gelées précoces, sont des gelées d'advection, aussi appelées gelées noires, la végétation est gelée intérieurement par le vent et prend un aspect noirci)

Les écarts de températures dans cette région sont importants d’une commune à l’autre ou simplement d’un site à un autre, les Menessarais n’ont d’ailleurs pas peur de parler de « micro climat ».

Ce déboisement médiéval, lié à la construction de la première véritable « demeure seigneuriale » s’est fait « à la main», la pratique de l’époque étant plutôt de recourir au déboisement par le feu. Ménessaire viendrait donc du latin «manu exartum», ce qui signifie « défriché à la main » (il est vrai aussi que le climat et la présence de nombreuses sources ne favorisent forcément pas le brûlage…)

Le village se serait également appelé « Ménessaire-lès-Patués », doit-on y trouver une origine dans le « Bois de Patuet » proche et/ou dans les droits que pouvaient avoir les habitants à utiliser la forêt seigneuriale ? 

La lignée des seigneurs de Ménessaire

 

Le château en fin de restauration

En 1146, Guillaume de Ménessaire se croisa à Vézelay et parti l’année suivante pour la terre sainte.

En 1271 (le jeudi avant la Saint Clément), Jean de Roussillon repris le fief du Duc de Bourgogne pour Ménessaire et ses dépendances.

En 1296, Perrin de Ménessaire, écuyer et seigneur de lieux, épousa Jeanne d’Alligny dont il eut 2 fils : Hugues et Jean. Jeanne lui apporta des droits sur la terre d’Alligny et fit « aveu » à l’évêque d’Autun (faire « aveu » est l’acte d'un vassal reconnaissant quelqu'un pour seigneur, duquel il déclarait tenir tel héritage, et généralement suivi du dénombrement, description détaillée des biens composant le fief).
Grâce à cette alliance, la Baronnie ainsi prit sa place parmi les grandes seigneuries morvandelles.

En 1323, mort de Hugues

En 1324, Jean, dit Chapeluz, repris le fief pour Ménessaire mais emprunta de fortes sommes (quatre cent quatre vingt livres) à Hugues et Guillaume de Cluny et se vit assigné une rente de vingt quatre livres sur la baronnie.

En 1328-1331 : Signature d’un traité dans lequel sont fixées les limites territoriales sur d'antiques divisions. Les limites paroissiales de Cussy sont encore celles qui aujourd'hui, séparent Cussy de Gien-sur-Cure et de Ménessaire, ainsi les départements de la Saône-et-Loire de la Nièvre et de la Côte d'Or.

En 1371, mort de Jean, dit Chapeluz. Sa veuve, Agnès du Meix, concéda une nouvelle rente de huit livres à Hugues et Guillaume de Cluny pour arrérages.

En 1414, le cumul des dettes conduisit à la vente de la baronnie à Guillaume III de Cluny, fils de Hugues, qui reçu l’investiture des Ducs de Bourgogne.

En 1426, Guillaume III de Cluny fait renouveler les terriers de ses seigneuries de Ménessaire (Un terrier serait un document descriptif des redevances foncières établi par un notaire ou une juridiction gracieuse et prenant de ce fait une valeur d’authenticité juridique).

En 1427, mort de Guillaume III de Cluny, son fils Geoffroy devient Seigneur de Ménessaire.
Le développement du château et son aspect définitif font suite à de nombreuses catastrophes (Pillage par les « Grandes Compagnies » qui parcouraient la région, guerres de religion, incendie en 1444 par les troupes de Louis XI en guerre contre la Bourgogne…).

En 1461, mort de Geoffroy. Sa veuve se remarie avec Michel de Chaugy. Ils eurent 2 fils : Jacques qui devient Baron de Ménessaire, et Claude, seigneur de Villiers.

En 1488, Jacques de Ménessaire fut poursuivi et condamné pour avoir négliger de payer quelques redevances.

En 1507, mort de Jacques de Ménessaire. La baronnie fut à nouveau mise en décret mais sa veuve, Adrienne de Nevers, fille naturelle de Charles de Bourgogne, Conte de Nevers et d’Iolant de Longron y mit opposition et la vente n’eut pas lieu. Son fils Paul devint alors seigneur de Ménessaire.
Paul de Cluny eut plusieurs enfants dont l’aîné, Jacques, fut le dernier baron de Ménessaire de cette maison.

En 1542, le 27 mai, les seigneurs de Cluny étant à cour d’argent, la seigneurie fut à nouveau mise en décret et adjugée à Jean de Vaulx dont la fille Françoise épousa Jean de Fussey le 28 octobre 1554.

En 1564, Hugues de Chaugy, baron de Roussillon-en-Morvan, acheta la seigneurie de Gien-sur-Cure, pour 1 500 livres et en revendit la moitié au Chevalier Jean de Fussey, apparentée à la famille de Condé, qui posséda ainsi Ménessaire à partir de 1578… Mais c’est précisément à cette époque que le château fut incendié par « cas fortuit » et ne devint plus que ruines…

Vers 1600, Jacques de Fussey-Ménessaire, fils de Jean, Lieutenant général et Gouverneur de Roussillon alors propriétaire des lieux, en entreprit la reconstruction

En 1608, il fit renouveler le « terrier » de Ménessaire.
Année incertaine : Son fils Vivans devient seigneur de Ménessaire et serait mort avant 1638.

En 1668, Nicolas de Fussey-Ménessaire, fils de Vivans, obtint l’érection de sa terre en Marquisat par Louis XIV, en faveur de son « ami et féal » gentilhomme de sa chambre. Chevalier de ses Ordres, Lieutenant Général de ses armées et Gouverneur de la Province de Roussillon. Il fit bâtir la grosse tour du château et c’est à cette époque que l’édifice prit son aspect actuel. Cette terre, « l’une des plus considérables du Morvand » (Morvan s’écrivait alors avec un « d »), avait 6 lieues de tour. Marié à Marguerite de Cossard, il eut trois fils dont Claude-Nicolas qui lui succéda à la baronnie de Ménessaire.

En 1747, mort de Claude-Nicolas

En 1749, le 10 novembre, son fils, Léopold-Charles de Fussey, repris le fief mais ne laissa aucune descendance. Son neveu (de même nom), Léopold-Charles de Fussey , seigneur de Melay fut institué légataire universel.

En 1772, Léopold-Charles de Fussey-Ménessaire, vend le château pour 312 000 livres à François Gaspard Le Compasseur de Créqui-Montfort, Marquis de Courtivron.
Son fils aîné Gaspard devint à son tour Marquis de Ménessaire

En 1784, le 4 août, Gaspard-François, deuxième fils de François Gaspard Le Compasseur de Créqui-Montfort, Marquis de Courtivron reçoit Ménessaire en dot.

En 1787, mort de Gaspard,

En 1789, dans la nuit du 3 au 4 août, les habitants opprimés depuis tant de temps, envahirent le château, et firent main-basse sur les titres féodaux (excepté le terrier de 1608) et les brûlèrent dans la cour.

En 1794, le château fut racheté par Léger Guiotat, « dit le Marquis de Ménessaire », issu d’une famille bourgeoise de Ruisselles puis abandonné aux intempéries et aux pillages.

En 1801, un nouvel incendie en détruit une partie.

Enfin 1972, le château fut à nouveau vendu, racheté par Bernard Mainson, l’actuel propriétaire, qui créa une association «Le Morvan F.E.O.D.A.L.» afin de remettre en état l’ensemble des bâtiments (prix du concours «Chefs d’oeuvre en Péril » en 1977).

Aujourd’hui, la restauration du château, intérieure et extérieure, est pratiquement terminée. Il reçoit désormais des clients en gîtes et chambre d’hôtes dans un décor remarquable.


Photo d'un ancien article d'Elisabeth Berthier-Bizouard
Correspondante locale du "Bien Public" de 1995 à 2020,
Exposition en Mairie de Saint Germain de Modeon


Sources documentaires

- « Le Morvan, essai géographique, topographique et historique sur cette contrée, par Jacques Félix Baudiau, Curé de Dun-les-Places et membre de la Société Nivernaise des lettres, sciences et arts et de plusieurs autres Sociétés savantes ».
- Géoportail IGN
- Site officiel de la commune de Ménessaire et le texte de Marcel Vigreux, ancien Maire de Ménessaire, historien français, professeur honoraire de l'université de Bourgogne.
- Mairie de Ménessaire
 - Conseil Général de la Côte d'Or
- Légifrance