Les Galvachers |
Quelques-uns ont peut-être entendu parler (connu de moins
en moins probablement) des hommes qui partaient travailler
à l'extérieur du Morvan, avec des bœufs. Beaucoup diront qu’ils connaissent les charretiers mais pas les galvachers. Et pourtant, ce ne sont rien moins que les ancêtres de nos transporteurs modernes. Certes ils n’avaient pas de camions, pas de GPS pour se guider et encore moins de liaisons leur permettant de rester en contact avec leur entreprise ou leur famille. Définition - EtymologieParadoxalement, Eugène
de Chambure est pratiquement le seul à le nommer « Galvaché » puis « Galvacher
» dans sa définition :
« Charretier du Morvan qui
entreprend des charrois dans des contrées éloignées et qui les exécute avec les
bœufs qu’il a amené. Quelques auteurs ont voulu voir dans le galvacher le
souvenir du bouvier gaulois, mais le préfixe gal est commun à quelques mots
très peu celtiques. Faut-il adopter l’étymologie proposée par M. Bogros dans
son « Histoire de Château-Chinon » et dériver ce terme de l’espagnol « gavacho
» qui désigne des gens mal vêtus, des vagabonds ? » Joseph Bruley est précisément de ces auteurs, fervents
défenseurs du Morvan, qui veulent voir le bouvier gaulois en rapprochant
galvacher non de son préfixe « gal » mais bien de « gallus », gaulois, et de
préciser que le celtique « galleno » signifie également voyager. Toujours d’après Eugène de Chambure, un « galvachou »
est un coureur de grands chemins, un vagabond, un débauché, ce qui achève de
montrer la galvache comme le symbole d’une vie errante ou relâchée. M. de Littré avec « Galvauder », admet comme
soutenable cette hypothèse. Le galvacher aurait donc été à l’origine un porteur
de casaque, (galvardine), c’est à dire un coureur, un gâte métier…» Dans son ouvrage « Dans l’ombre du Morvan » l’abbé
Charrault nous rapporte que « la vie errante de ces
rudes travailleurs était frugale et loin d'être relâchée ». De son côté, le folkloriste Paul Delarue avance que
« l'existence des galvachers était dure et exempte de
dérèglement ». De là à penser que le sens péjoratif du terme «
galvacher » leur a été attribué par des gens extérieurs au Morvan, il n’y a
qu’un pas à franchir… allègrement ! Ces derniers, les voyant arriver dans leurs contrées,
probablement bruyants et mal vêtus, parlant une langue que nul ne comprenait,
les ont considérés avec toute la méfiance que l’on accorde volontiers aux «
étrangers ». D’où venaient-ils ?La galvache était à
l’origine une « spécialité » de Château-Chinon et de ses environs.
La population bovine de l'arrondissement était alors
de plus de 40 000 têtes, ayant quasiment doublé dans les trentes derniers
années. Les galvachers venaient donc de tous les hameaux alentours. Mais pas que… En réalité il en venait de tous les coins du
Morvan. Il paraîtrait qu’en 1860, la commune d’Anost aurait
compté quelques 200 Galvachers (certains parlent même de 700…) sur l’ensemble
de ses hameaux et serait devenue ainsi la capitale de la galvache. A cette époque, Anost comptait quelques 3 800 âmes, elle en conserve un millier aujourd'hui. Où allaient-ils ?Il n’y avait pas de
limite à la migration des galvachers.
Des bords du Morvan, le Nivernais, le Berry, la
Puisaye, la Bourgogne, le Bourdonnais… au plus loin, Paris et sa très large
périphérie, la Picardie, la Lorraine, la Champagne, les Ardennes… Pourquoi partaient-ils ?Pour l’argent, non par
cupidité, loin de là, par nécessité.
Ils partaient se louer pour mener des bœufs qui ne
leurs appartenaient pas toujours. Certains propriétaires pouvaient posséder jusqu’à 120
bêtes (… 60 paires donc…). Ils les louaient ou embauchaient eux-mêmes les
galvachers. La légendaire pauvreté du Morvan obligeait ces
travailleurs à s’exiler pour nourrir leur famille. Le folkloriste Paul Delarue raconte que c’était « le besoin de gagner un peu d'argent qui leur faisait
abandonner un sol pauvre et ingrat. » Quand partaient-ils ?Les galvachers, leurs
attelages de bœufs et leur charrette se louaient, généralement de début mai à
la fin novembre.
Le départ était fixé au 1er mai. Femmes, enfants, attelages parés de fleurs, rubans,
cocardes et autres ornements rejoignaient le lieu de rassemblement dans une
joyeuse confusion. Ce rassemblement avait lieu chez le « Cô de Bussy »
dont il est question dans le chant des galvachers : « Allons,
Galvachers, en avant ! Il faut quitter notre Morvan
! (bis) Montons la route Et chassons le souci Buvons la goutte Chez le Cô à Bussy » Après en avoir terminé avec les
festivités et « la goutte » de la chanson, c’était le départ ! Le convoi prenait la route, les femmes et les enfants
rentraient aux villages, à pied… Le « Cô » de Bussy et la côte de MontloinSi vous faites une
recherche pour « Galvachers » sur Internet, vous trouverez généralement cette
phrase sibylline :
« Le départ était fixé au premier mai et
s’accompagnait d’un rassemblement chez le Cô, dernier aubergiste sur la route
d’Arleuf… ». C’est vague ! Si vous cherchez le Cô sur place, à Bussy, vous ne
trouverez rien. En revanche, il existe bien un « Cô de Bussy » dans le
bourg d’Anost… Mais il n’a de commun que le nom. Superbe confusion ! En réalité, le "Cô" de Bussy était bien un café situé
dans le hameau de Bussy. Il était tenu jadis par M et Mme Garnier, « les
tenanciers de l’auberge ». C’est maintenant une maison particulière qui ne laisse
rien transparaître de son passé.
Quant-au « Cô de Bussy », café-restaurant situé dans
le centre du bourg d’Anost, il avait été installé voici quelques années
par Monsieur et Madame Lormenil en lieu et place de la boutique d’un
cordonnier nommé Montcharmont.
Monsieur Lorménil était originaire de Bussy, d'où
le clin d'oeil du nom de son établissement.
Ce café-restaurant a du fermer récemment pour raisons
personnelles. C’est donc bien chez le « Cô du hameau de Bussy » que
les Galvachers se retrouvaient. Mais pas tous… D'une part parce qu’il y avait de nombreux autres
estaminets, auberges et cabarets dans les environs, comme la maison
"Duvernoy" citée par André Dupin (voir ici l'article qui lui est
consacré) en 1834 lors d'un voyage en Morvan : "...Arrivés à Anost, village peuplé de ces charroyeurs nomades, le maire se trouvant absent, il fallut trouver l'adjoint Duvernoy, charroyeur lui même, et de plus cabaretier. Il était en ce moment entouré d'un grand nombre de charroyeurs buvant avec lui..." D'autre part, et surtout, parce que beaucoup de galvachers ne passaient pas par-là. Aussi lorsque l’on dit que le hameau de « Bussy »
était le passage obligé des galvachers et que c’est pour cette raison que la
commune d’Anost sur laquelle il est situé devint la « capitale » de la
Galvache, il faut bien comprendre que cela relève surtout du folklore. Le hameau de Bussy était sans doute un passage
important mais non obligé, ce qui est déjà beaucoup. Pour les galvachers utilisant un itinéraire « Anost
=> Nivernais => Berry », c’était effectivement la dernière auberge avant
Arleuf, et c’est bien pour ceux là que la halte avait de l’importance : elle
était à mi-chemin de cette interminable côte, la côte de Monloin, qui relie
Anost à Arleuf et dont le sommet se trouve à peu près à la hauteur du
canal du Touron (Voir ici dans le paragraphe
tourisme).
A l'époque la route des Galvachers était en réalité un chemin traversant la forêt, par la route aujourd'hui, c'est environ 10 km dont 7 de côte. Ce chemin, cette côte, impressionnants ! Voici ce qui reste aujourd'hui du chemin, le
pourcentage de la côte quant-à lui n'a guère changé. On distingue encore
l'empierrement de l'époque.
En 1839, dans son discours d'inauguration du pont sur la cure à Gouloux, André Dupin parlait du réseau routier du Morvan en ces termes : "...Enfin, en 1834, accompagné de votre excellent sous-préfet et de quelques amis, je suivis toute la ligne depuis Ouroux, Planchez, Annot, la Petite-Verrière jusqu'à Autun, et je fus frappé du résultat suivant : c'est que dans tout l'espace compris entre les villes d'Autun, Château-Chinon, Lormes et Avallon, il existait une enceinte de 150 lieues carrées, presque entièrement couverte de bois, et dans laquelle il n'y avait pas une seule toise de route royale ou départementale, ni même un chemin vicinal en bon état de viabilité ! ..." On peut aisément comprendre l’intérêt de l’arrêt. Pour ceux qui allaient dans l’autre sens, c’était en
descente donc tout allait bien (mieux). Mais comment passer devant chez le « Cô » sans
s’arrêter ? Quant-aux derniers, ceux qui étaient sur un axe
Château-Chinon = > Autun (et retour), ils n’avaient pas vraiment envie de
faire le détour juste pour le plaisir. Ceux qui partaient de Saint-Brisson pour la région
parisienne encore moins. Il semblerait que cette fameuse côte de Monloin ait été évoquée dans la version originelle de la chanson des Galvachers écrite par Clément Sauron puis abandonnée par la suite. La raison en est sans doute de ne pas noircir trop le tableau. En effet, dans ses "Légendes du Morvan" publiées en 1888, A. Renaud raconte celle de la "Bête du Morvan" qui précisément sévissait en ces lieux : "...elle était connue sous le nom de Bête à Blaisot, chèvre par la tête et loup par le corps... Ce monstre prenait parfois l'apparence d'un loup de haute taille, à poil fauve, efflanqué, avec des yeux de braise, une gueule démesurée et une langue pleine de sang..." Brrr ! Le monstre avait bien sur le pouvoir de se changer en bête docile, était doté de la parole et avait aussi le don d'ubiquité, ce qui permettait à chacun de l'avoir vu en même temps en divers endroits. Mais heureusement, certaines formules toutes simples permettaient néanmoins d'éloigner la créature : "Ch'teu l'bon Dieur, cause ;
ch'teu l'Diabe, pesse". Si tu es le bon Dieu, parle ; si tu es le Diable,
passe. Le sommet de cette côte était (est toujours) indiqué par une croix sommitale, en l'occurrence "la croix des Galvachers", bien sur faite pour marquer le point le plus élevé d’une région mais aussi et surtout destinée à mettre en évidence le symbole de la religion. De là à ce que certaines légendes y soient liées il n'y a qu'un pas. En tous cas c'était la fin de la côte...
Que faisaient-ils ?Ils charroyaient
principalement du bois de chauffage (du « bois de moule ») et du bois d’œuvre
et les menaient aux ports et rivières des versants de Seine ou de Loire.
Tout ce qui était transportable, ce que l’on appelle
aujourd’hui le fret, était bon à prendre : vins (de Bourgogne mais pas que…),
écorces à tan (broyées dans les moulins à tan et envoyées vers les tanneries),
céréales, pierres, matériaux de construction, grumes (dont la masse imposait un
transport par la route), etc...
Le travail était immense. Paris avait besoin de
charpentes, pierres et pavés, les mines du Nord d’étais, les chemins de fer de
traverses… et par voie de conséquence, les scieries avaient besoin de grumes…
Dans son ouvrage « Morvan, cœur de la France », Joseph
Bruley rapporte ce qu’en disait un observateur de la région de Decize (Gaston
Gauthier) en 1897, en voici de larges extraits : « On les voit, l'aiguillon
sur l'épaule et la pipe à la bouche, suivre lentement leurs lourds chariots,
attelés de bœufs amaigris par la fatigue. » « De temps en temps, les
bouviers piquent leurs animaux en les appelant par leur nom : Chavan, Corbin,
Frisé, Rassignot, et leur geste est souvent accompagné d'un juron retentissant
(Tounâre me breule – Tonnerre me brûle) qui fait hâter l'attelage. » « Quelquefois, ils tirent
avec précaution de leur poche la dernière lettre du pays qui leur donne des
nouvelles de la famille. Après une lecture laborieuse, ils portent leurs lèvres
à la feuille de papier avant de la remettre dans l'enveloppe... » « ...Quand ces hommes
laborieux arrivent dans le Decizois, ils cherchent dans le voisinage de la
coupe dont ils doivent transporter les produits, une maison hospitalière où
l'on consent, moyennant une faible redevance, à les coucher sur la paille et à
leur préparer la soupe matin et soir. » « Ils louent également à
proximité un pré où leurs animaux paîtront et se reposeront pendant la nuit.
Celle-ci est courte d'ailleurs, car les bouviers rentrent souvent fort tard et
parlent de grand matin. » « En effet, levés dès l'aube,
ils mangent hâtivement la soupe, mettent du pain dans leur sac ou dans leur
poche et vont au pré chercher les bœufs pour les courber sous le joug. Alors,
les chariots rangés la veille sur les banquettes des routes, partent en tous
sens : les uns, chargés, sont dirigés sur Decize, tandis que les autres, vides,
prennent le chemin du bois. » « Le travail achevé, les
animaux mangent et soufflent un peu pendant que les conducteurs prennent sur le
chariot même ou à son ombre leur frugal repas de midi : pain et fromage arrosé
d'eau, rarement d'un verre de vin... » « Bois d'équarrissage,
charbonnettes, moulée, charbons, perches et étais de mine sont voiturés ainsi
par les bouviers morvandiaux, dont les chariots se croisent sans cesse sur les
roules et les chemins qui relient Decize aux coupes exploitées à plusieurs
lieues à la ronde. » Avec un tel travail, les galvachers ont, en quelque
sorte, scié la branche sur laquelle ils étaient assis. Ils ont transporté tout
ce qui a facilité la marche du progrès, même les traverses du chemin de fer qui
fut le début de leur fin. La galvache s’arrêta définitivement avec la Grande
Guerre. Galvachers vendangeurs C’était une autre spécialité de la profession. Il était fréquent, lors des périodes de vendanges, de
voir descendre des cohortes de galvachers de leurs « noires montagnes ». Les
vignobles bourguignons tout proches et le travail qu’ils pouvaient leur offrir
les attendaient.
Il paraît qu’à cette époque, la diligence reliant
Château-Chinon à Autun les annonçait par de joyeux «
Les vendangeurs sont sur la grand’ route… ».
A Autun, les badauds les attendaient, un peu comme ceux de Clamecy attendaient le flot de bois. Avec cornemuses, vielles, accordéons, chants et bruits de sabots, c’était à n’en point douter un événement dans la ville. Une histoire raconte qu’un jour, un brave homme les invita à se rafraîchir du contenu d'un tonnelet de vin tombé à terre. Point n’était besoin de verres, les galvachers utilisèrent leurs sabots. « Allons en
vendange pour gagner cinq sous, Coucher sur la paille,
ramasser des poux, Boire du vin peûna, Que le diable n'en tâterait
pas ! » (sur l’air d’« Au clair de la lune ») Effet garanti !
La logistiqueTerme pompeux pour
l’époque mais il y avait bien une réelle organisation des déplacements.
Tout d’abord le patron (ou son représentant mais
rarement) se rendait dans les contrées pour chercher le travail, « pour faire affaire ». Il organisait ensuite le séjour de ses employés en
leur louant de quoi se loger (pas forcément une maison…), en trouvant un pré et
peut-être du foin pour les bêtes suivant la saison.
Une femme était généralement du voyage, parfois la
femme du patron, qui était en charge des repas et du linge des galvachers. Le voyage durant souvent plus de la journée (25 km
étaient une bonne mesure), des étapes devaient donc être prévues et le
ravitaillement, eau et nourriture, comme foin pour les bêtes, emportés. Les équipages se composaient généralement d’un homme
pour quatre bœufs. Les attelagesLa traction bovine
remonte à la haute antiquité.
Cette technique, comme celle de la construction des
charrettes, était devenue une véritable spécialité morvandelle. Il faut toutefois préciser que les attelages des
galvachers étaient essentiellement composés de bœufs parfaitement appairés. L’utilisation des vaches à la traction ne se faisait
généralement que dans les fermes pour passer charrue ou autre « déchaumeuse »
ou pour de petits débardages. Dans les petites fermes, les bœufs étaient considérés
comme « non productifs » (pas de lait et pas de veau) et étaient sources de
dépenses inutiles.
Certaines régions ont privilégié l’usage de la
traction par l’utilisation d’un collier.
Le Morvan, (apparemment comme tous les pays celtes) a choisi l’usage du joug mais il lui arrivait aussi d'utiliser le collier et le cheval...
Cette technique permet le couplage aisé de 2 bovins mais aussi de leur en adjoindre d’autres paires de manière à augmenter la traction. Les attelages pouvaient ainsi comporter jusqu’à dix
paires de bœufs. Le joug utilisé en Morvan est particulièrement
élaboré. Il s’applique sur la nuque des animaux et des
courroies de cuir glissées par la base des cornes et croisées sur le front
permettent de serrer fortement le joug. Une telle technique pourrait blesser les bêtes, mais
le morvandiau est malin et inventif. Il a imaginé et mis au point un coussin de paille, la
cape, également appelé bouchon ou torson, qui se place entre le front de
l’animal et les courroies, le protégeant ainsi des coupures qu’elles pourraient
lui occasionner.
La cape du joug (Image extraite des vidéos sur les métiers en Morvan réalisées par le PNRM et présentée avec son aimable autorisation) Cette cape est faite avec du seigle coupé de préférence début juin, en fleur et suffisamment long et qui sera séché à l’ombre… « Lai cape d’zu », « la
cape du joug », le Morvandiau va « exzuter » : lier les bœufs, les mettre sous
le joug. Une autre particularité de cette technique, outre la
synchronisation de l’effort, les bovins ne tirent pas seulement la charge mais
la poussent également, avec le front. Certains diront qu’il faut bien être morvandiau pour
pousser quelque chose qui se trouve derrière soit. Oui, morvandiau et malin
! Le joug morvandiau est généralement plus léger. Le timon y est fixé à l’aide d’un anneau confectionné
dans des tiges de bois flexibles, très souvent du châtaignier, tordues sur
elles-mêmes en une sorte de corde rigide, « L’ambla ».
L’extrémité du timon est passée dans la partie
inférieure de l’ambla, serrée au joug par un coin de bois percé, « la sare »
(la serre), puis une fois serré, le tout est fixé par une cheville dénommée «
aittolouère ».
Comparaisons de quelques attelagesJuste une simple
comparaison en images de quelques attelages
Les bœufs morvandiaux (Image extraite des vidéos sur les métiers en Morvan réalisées par le PNRM et présentée avec son aimable autorisation)
(Photos présentées avec l'aimable
autorisation des auteurs et de ABA)
http://attelagesbovinsdaujourdhui.unblog.fr/ Le voile "chasse-mouches" a une fonction importante, les boeufs étant solidaires par le joug ne peuvent secouer la tête pour se défendre des assaillantes, les brins du chasse mouches bougent et les aide en cela. Il n'est pas non plus inutile de préciser que les 4 attelages bovins ci-dessus font partie des quelques 90 encore en activité "professionnelle"en France. (Photos Internet)
(avec l'aimable autorisation des auteurs-Photos sous copyright) La principale particularité des attelages
de boeufs tirants des Antilles, outre d'être plus des attelages de
folklore que de travail, réside dans le mode de conduite de ces
animaux. Les bœufs barrésTout d’abord pourquoi
des « bœufs-barrés » ?
Le glossaire d’Eugène de Chambure nous en donne cette
définition : « Aux environs de
Château-Chinon, ce mot désigne à la fois les gendarmes, les enfants naturels et
les bœufs dont le pelage est bariolé. Pour les gendarmes et les bœufs, la
variété des couleurs explique cette dénomination. Quant aux enfants naturels,
on sait qu'en matière de blason la barre étroite était un signe de bâtardise.
Autrefois les célestins et les carmes étaient appelés frères barrés, parce que
leurs vêtements portaient des bandes de diverses couleurs, en bas. » Les lecteurs gendarmes connaissaient-ils l’expression
? Il s’agit tout simplement de cette race morvandelle
aujourd’hui disparue. Si les galvachers étaient de remarquables conducteurs
d’attelages, ceux que l’on appelait leurs « petits bœufs barrés » n’y étaient
pas pour rien. Cette race morvandelle de couleur rouge et blanche
était réputée être la première race au monde pour son aptitude au travail et sa
docilité. L’abbé Jacques-Félix Baudiau en dit : « … qu’elle se distingue par
la largeur du coffre, la beauté des cornes, la régularité des formes et la
distribution franche et vive des couleurs. Elle a généralement les jambes
grosses et courtes, mais est forte et vigoureuse, c'est u n type particulier,
un pur-sang. Les bœufs , presque exclusivement employés dans l'agriculture et
le service rural, sont forts et adroits et, par conséquent, très propres aux
charrois auxquels se livrent la plupart des habitants. » Elle fut remplacée au début du XXème siècle et au
grand regret des galvachers restant, par les Charollais à robe blanche, plus
grands (et les « çarottes », les charrettes à 2 roues, remplacées par des
chariots à 4 roues…) Le matérielLes matériels utilisés
par les galvachers n’avaient aucune commune mesure avec ceux couramment
utilisés dans les fermes par les cultivateurs.
Les matériels étaient beaucoup plus robustes,
totalement repensés pour les travaux à venir. Tout d’abord les charrettes ou chariots étaient
surdimensionnées : - Les roues, plus petites à l’avant, comportaient 10 à
12 rayons en acacia (12 à 14 à l’arrière) et étaient équipées de jantes plus
larges en chêne. - Un cerclage (embattage) en fer ou parfois en bois
fait d’une demi-douzaine de sections chevillées complétait le renfort. L’usage
des embattages en bois était moins solide (donc moins utilisé par les
Galvachers) mais beaucoup plus économique que ceux en fer qui nécessitaient
également l’intervention d’un maréchal-ferrant pour rechausser voire «
rechâtrer » (raccourcir le cerclage devenu trop lâche) les roues.
- Le moyeu (« bôtin » ou « bouteign’ ») était fait d’orme ou de chêne. - Le char était également démontable. En plaçant le train avant et le train arrière à chaque
extrémité d’une grume, on adaptait le char à la longueur des billes de bois à
transporter.
- Les jougs devaient également être adaptés à la puissance des bêtes et étaient habituellement fabriqués en hêtre. Les convois exceptionnelsLes grumes
Il n’était pas rare de voir des convois transportant
d’énormes chênes dont on se demande comment ils pouvaient être chargés.
La principale méthode de chargement d'une grume, un «
gros pied » pesant parfois plusieurs tonnes, était simple, bien étudiée et
surtout bien rodée.
Elle consistait à charger « à la déverse ». Le chariot était placé le long de la grume puis renversé sur le côté, roues côté opposé à la grume. La grume était alors tirée dans le chariot puis calée, le tout était ensuite relevé par les bœufs à l’aide d’une chaîne (un trait). Lors du basculement, la force était supportée par les roues qui, étant surdimensionnées (jantes larges et 12-14 rayons épais…), résistaient parfaitement. Seuls le parfait dressage des bœufs et la grande maîtrise des galvachers permettait ces résultats. Une fois le tout en place, restait à le fixer par des bois et des chaînes pour le transport. D’autres méthodes étaient aussi employées : - De côté, le bouc, un levier fait d’une solide pièce de bois (dont le pied est en forme de « pied de chèvre »…) qui permettait de charger la grume une extrémité à la fois. - En bout, le cric, nettement plus haut que ceux que nous connaissons aujourd’hui, permettait de lever l’extrémité d’une grume pour glisser le train du char. Le foudre Mercier
L’histoire de ce spectaculaire tonneau ne manque pas d’intérêt. Toutefois, l’écart entre les dates et les
caractéristiques citées dans les deux récits qui pourraient passer pour les
plus crédibles et les plus complémentaires est tel qu’il faut citer les deux
mais n’en choisir qu’un seul. Le résumé ci-dessous est donc inspiré du site
propriétaire du tonneau : Mercier (http://www.maisons-champagne.com/encyclopedie/vignes_au_plaisir/mercier.htm) Le deuxième récit figure à la page 85 de l’ouvrage de
Philippe Berte Langereau : « Les Galvachers du Morvan » auquel je ne peux que
vous renvoyer. Donc, dans le début des années 1870, Eugène Mercier,
fondateur de la célèbre maison champenoise, décida la construction d’un immense
foudre. Deux années seront nécessaires aux études de ce projet
mené par un certain « Jolibois » (ça ne s’invente pas…). La recherche des bois sur pied fut assez laborieuse et
c’est finalement en Hongrie que furent trouvés les 150 chênes nécessaires à
cette réalisation. L’abattage démarra en 1872 et dura 5 ans (l’abattage
ne se faisant qu’à l’automne). C’est le 7 juillet 1885 que le foudre fut
effectivement reçu, homologué et inscrit à l’inventaire de la société pour une
contenance de 1 600 hectolitres et un poids de 20 tonnes, un diamètre de 5,5
mètres et une longueur de 6 mètres. Eugène Mercier eut ensuite cette fameuse idée de
présenter le foudre à l’exposition universelle de Paris en 1889. Et voici les galvachers à nouveau à l’honneur.
Transporter le foudre d’Epernay à Paris. Quatre roues gigantesques furent conçues et
construites par les chemins de fer de l’Est pour supporter et transporter le
monstre. Douze paires de bœufs morvandiaux y furent attelées
(on appelle cela une « théorie » de bœufs), 12 galvachers dirigeaient la
manœuvre, sans oublier les 9 paires de chevaux qui suivaient pour aider dans
les cotes… L’homme qui releva le défit était originaire de la
Nièvre, un dénommé Jean Malcoiffe. Rien ne leur fut épargné : près de 140 km avec
contournement de villes, abattage d’arbres, de murs et même d’immeubles dont
certains devront être rachetés, renforcement d’ouvrage etc. Huit jours d’un transport qui resta dans les mémoires
des galvachers. Le retourLe retour avait lieu
vers la Saint-Martin (le 11 novembre, mais rien à voir avec l’armistice de
14-18, il s’agit de la date d’inhumation de St Martin, évêque de Tours, le 11
novembre 397…)
Ceux qui vendaient aussitôt les bœufs fatigués et
amaigris (il fallait payer les dettes, boulanger, pâture, maréchal-ferrant,
menuisier…), le faisait avec une perte de deux cents francs ou plus par paire
(à titre de comparaison, en 1890 à Paris, cochers, conducteurs d'omnibus ou
camionneurs touchaient 5,75 francs par jour pour 16 heures de travail, soit
environ 18,50 euros 2014). Ceux moins contraints, attendaient qu’ils se soient
reposés et « requinqués » pour être vendus à meilleur prix le 1er décembre à la
foire d'Anost.
Et ceux qui s’étaient constitué un petit pécule de manière à acheter quelques terres pour agrandir leur « domaine » se voyaient confrontés à la spéculation… Dès leur retour, les bonnes âmes en profitaient pour surévaluer les terres les moins prisées. Venait ensuite la saison froide propice à la
préparation du prochain départ : réparation des chariots, des cuirs, des
harnais… Globalement et heureusement, les galvachers ont pu
profiter de cet argent durement gagné, certains se sont fait construire une
maison, d’autres ont agrandi leurs bâtiments, créé de belles étables, acheté
des terres, du matériel dernier cri et même acheté une voiture. Lai çarotte (la charrette)Elle n’était pas
utilisée par les galvachers mais c’était l’outil à tout faire de toutes les
fermes.
Sa principale caractéristique était de n’avoir aucune
spécialisation. Transformable à souhaits, elle rendait tous les
services possibles et devenait en quelques instants, charrette à foin, à bois,
à grains, tombereau pour les pommes de terre, les betteraves et l’épandage du
fumier.
Les « innovations techniques » ne manquaient pas sur cette « çarotte » qui était même équipée d’un cric. Comme disaient les anciens «
elles pouvaient durer des années, et si quelque chose cassait, on allait
chercher un morceau de bois et aller… » Le tiaulage et l’aigûllon du galvacherTiaulage :
Dans les textes il est souvent question de « tiaulage
». Ce terme ne figure pas dans le glossaire d’Eugène de Chambure qui parle lui
de « Tiaulement », action de tiauler, de chanter pour égayer, pour exciter les bœufs. Il semblerait que les deux termes soient couramment
utilisés, les patois varient sensiblement d’une commune à une autre. Il précise « qu’il s’agit
d’un chant particulier que les laboureurs ou les charretiers chantent à pleins
poumons pour charmer l'oreille de leurs bœufs. Un homme de charrue qui ne sait
pas «tiauler» ses bœufs n'a pas le chic de sa profession, il manque même d'une
qualité indispensable ». Il cite également un traité de jurisprudence
anglo-normande du XIIIème siècle (le Fleta) d’après lequel «
le conducteur de bœufs ne doit être ni brutal ni mélancolique, mais en outre
il faut qu'il sache chanter » Aigûllon : Quant-à « l’aigûllon », il s’agit bien sur de
l’aiguillon, une longue baguette au bout de laquelle se trouve une pointe de
fer pour exciter les bœufs. Cet aiguillon était généralement fait en houx
(quelquefois en chêne), et les anciens savaient pourquoi : un bois dur et
résistant, quasiment sans grain, que l’on utilisait pour les engrenages des
moulins, les peignes de tisserands etc… Nous retrouvons ce houx dans houssoir (balais de
branches), houspigner (peigner avec une branche de houx) mais aussi dans une
célèbre chanson, « Les Bœufs » de Pierre Dupont (1821-1870) : « J’ai deux
grands bœufs dans mon étable, Deux grands bœufs blancs
marqués de roux ; La charrue est en bois
d’érable, L’aiguillon en branche de
houx. C’est par leur soin qu’on
voit la plaine Verte l’hiver, jaune l’été
; Ils gagnent dans une
semaine Plus d’argent qu’ils n’en ont
coûté. » La mécanisationDevancer le progrès ou
le subir…
C’est au milieu des années 1960 que la mécanisation
fit véritablement son entrée dans le Morvan. Les petits tracteurs Massey-Harris « Pony » avec 2
roues avant rapprochées et les Mac Cormick « Farmall » montrèrent tout
l’intérêt qu’ils pouvaient avoir. Toutefois, nouveaux tracteurs et anciens bœufs
cohabitèrent encore quelques temps… Pas si facile de passer du « pilotage » des
bœufs à celui d’un tracteur… D’autant que la plupart des galvachers n’avait
pas de voiture et encore moins de permis de conduire…
Puis ce fut les transformations, les modifications,
les débrouillardises pour atteler les anciens matériels au tracteur ; Charrues,
faucheuses, faneuses, et autres charrettes passèrent chez le maréchal-ferrant,
jusqu’à ce que les matériels neufs et adaptés puissent-être achetés. Et là commença le mouvement perpétuel, l’éternel
recommencement, nouveau tracteur, maréchal-ferrant, nouveaux matériels etc… Le couteau du galvacherPeu connu sous un tel
nom, il devait (et doit toujours, comme tous les couteaux du genre) être
simple, efficace et pratique.
Son « coutiâ » comme il se prononce dans la région
d’Anost, on ne s’en sépare pas et l’on « brâme », « couine » et « rébole »
lorsqu’on l’a égaré. Tous les galvachers avaient un couteau dans la poche.
Il paraît impensable de partir 6 mois de l’année sans un minimum sur soi :
Songez donc : couper le pain, le jambon, déboucher le vin, tailler des
branches, tresser des paniers, préparer l’ambla et la corde d’zu, percer le
cuir…
Sa forme particulière semble être maintenant figée
tout comme son équipement : une grande lame large et recourbée, un tire
bouchon, une alène. Le chant des galvachersIl semble y avoir eu
quelques modifications à la version originelle de cette chanson.
Joseph Bruley dans son
ouvrage "Morvan, cœur de la France" en apporte une transcription assez
précise
Le chant des Galvachers est considéré
comme l’un des deux hymnes morvandiaux les plus joués avec « la Morvandelle
». Il a été écrit par Clément Sauron d’Anost (1826-1901)
en 1847 sur une vieille rengaine rappelant les frasques de « Renault le tueur
de femmes ».
Ce Renault a bel et bien existé. Hobereau de Metz le
Comte (58), il en fit tant que l’évêque d’Autun en personne s’arma pour
l’anéantir. Il fut à la fin pris et pendu haut et court - en
compagnie de son cheval - qui lui bien sur, n’avait rien fait… Revenons à notre « Chant des Galvachers ». Depuis sa création au café Duvernois à Anost, il subit
de multiples aménagements, chacun essayant sans doute d’y apporter sa touche
personnelle. Le texte varie alors selon les options des auteurs et la mélodie
passe d’une marche lente à l’origine à une sorte de valse facilitant la
danse. Quant-à elle, « La Morvandelle », fut proposée lors
d’un banquet d’instituteur de la Nièvre le 31 octobre 1903 par le poète
Maurice Bouchor. Ce chant interprété sous le rythme d’une marche
dynamique et alerte fut remanié par Julien Tiersot et s’inspire d’une vieille
chanson locale révélée par Paul Delarue : « Le Galant de lai Nannette » Elle fut surtout jouée en Région Parisienne où elle
supplanta « les Galvachers ». Pour être complet, « Le petit gars de Vermenoux » -
complainte lente et nostalgique bien connue – est l’exemple souvent cité de
mutation musicale puisque l’on retrouve les mêmes notes de musique, mais sous
un rythme très différent dans « La Sauteuse de l’Auxois » intitulée « Les
nouyottes » (les noisettes en patois). A voir également, une vidéo prise lors de la clôture de la fête de la vielle à Anost en Août 2013. Photos d'anciens articles d'Elisabeth Berthier-Bizouard Correspondante locale du "Bien Public" de 1995 à 2020, Exposition en Mairie de Saint Germain de Modeon Sources documentaires- Wikipédia
- Eugène de Chambure : Glossaire du Morvan - André Dupin : Textes divers - A. Renaud : Légendes du Morvan - Marcel Vigreux : La galvache et les galvachers - Parc Naturel Régional du Morvan : Vidéos sur les métiers (Philippe Hoeltzel-janvier 2005) (http://www.parcdumorvan.org/) - Philippe Berte Langereau : Les Galvachers du
Morvan - Didier Cornaille : Histoires racontées de Bourgogne
et du Morvan - Abbé Charrault : Dans l’ombre du Morvan - Joseph Bruley : Morvan, cœur de la France - Jacquelin Paineau, pour le chemin et la croix des Galvachers - Claude Chermain, Passeur de mémoire : Les Galvachers
vendangeurs (paru dans le JS&L le 21/09/2013) - André Coudre : Documentation personnelle - Evolution du pouvoir d’achat des monnaies françaises
: http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89volution_du_pouvoir_d'achat_des_monnaies_fran%C3%A7aises
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